[Vivagora] Brevetabilité des gènes : les Etats-Unis réouvrent le dossier

Article original [Vivagora] Brevetabilité des gènes : les Etats-Unis réouvrent le dossier.
samedi 6 février 2010
par Yaroslav Pigenet

Après la décision de l’Europe de limiter ou révoquer les brevets revendiqués par le laboratoire privé Myriad Genetics sur deux gènes impliqués dans le cancer du sein, le débat sur la brevetabilité du patrimoine génétique humain rebondit aux Etats-Unis. Plusieurs universités américaines et d’association de défense des libertés civiles viennent de porter une plainte en justice pour contester la constitutionnalité des brevets sur les gènes. La future décision de la cour, qui a entendu les arguments des « pros » et des « antis » brevets le mardi 2 février, pourrait à terme déboucher sur l’invalidation de milliers de brevets américains déjà déposés sur des séquences ADN « naturelles »…

En mai dernier, la Public Patent Fondation (PUBPAT) et l’American Civil Liberties Union (ACLU) – au nom de 150 000 chercheurs, professionnels de santé et patients touchés par le cancer du sein – ont décidé de contester devant la justice étasunienne la validité légale et la constitutionnalité de plusieurs brevets déposés sur des marqueurs génétiques du cancer du sein BRCA1 et BRCA2. Selon les plaignants, ces brevets – dont les recherches ont en partie été financés par des fonds publics – « non seulement étouffent la mise au point de tests diagnostiques et les recherches de nouvelles pistes thérapeutiques, mais limitent aussi les options thérapeutiques à la disposition des femmes ». Il est vrai que Myriad Genetics – qui facture 3000 dollars tout séquençage des gènes BRCA au nom de ses brevets – s’ est efforcé jusqu’ici de faire interdire l’utilisation des séquences qu’il « détient » par plusieurs laboratoires publics travaillant sur le cancer du sein.

La plainte a été déposée simultanément contre l’Office américain des brevets (USPTO), qui a validé les brevets, l’Université de l’Utah qui l’a déposé et le laboratoire privé Myriad Genetics qui en détient les droits exclusifs après les avoir acquis auprès de l’Université de l’Utah dès 1994. A la suite d’une longue bataille à laquelle VivAgora a largement pris part, ces brevets – validés en 2001 par l’Office Européen des Brevets – ont été fortement limités, voire révoqués, par plusieurs pays puis par les instances européennes entre 2001 et 2008. En relançant ce débat aux États-Unis, où plus d’un millier de gènes sont déjà brevetés, l’objectif avoué des promoteurs de la plainte n’est ni plus ni moins qu’obtenir une abolition internationale des brevets sur le vivant.

Le juge Robert Sweet de New York a entendu mardi les arguments des deux parties et il devrait décider prochainement s’il y a suffisamment d’éléments pour renvoyer l’affaire devant un tribunal. Les avocats de Myriad Genetics – qui a annoncé mercredi une augmentation de 67% de ses bénéfices en 2009 – ont ainsi fait valoir que « [une décision de renvoi] pourrait mener à l’invalidation de milliers de brevets biotechnologiques et, de fait, saper les fondations de toute l’industrie biotech ». En outre « le développement de nombreux médicaments et tests diagnostiques serait menacé » ont-ils averti.

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